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Voici trois jours maintenant que je suis en stage dans cette
ville…
Et trois jours que je prends le même bus du
soir, bondé à la limite de l’éclatement…
Je me retrouve chaque fois, accrochée à cette barre métallique, qui me fait penser à celles que l’on trouve dans certains clubs et autour desquelles de superbes créatures prennent des poses lascives…
Mais pour moi, elle sert surtout à éviter l’inévitable collision avec les autres voyageurs.
Hier soir, j’ai remarqué une main masculine, soignée et plutôt grande, accrochée à la même barre que moi.
N’étant pas très grande, mon champ de vision est très limité dans cette faune humaine.
Je me concentrais donc sur ces doigts, assez fins pour une main d’homme et faisais le voyage, absorbée dans cette contemplation, oubliant la pression des corps qui m’entouraient.
Au dernier arrêt, le mien, je n’avais pas quitté cette main des yeux, mais je ne cherchais même pas à en connaître le propriétaire, mon esprit ayant glissé dans l’absence…
~
Lorsque je montais dans le bus ce soir, je n’y repensais pas… ce n’est que lorsque je senti le frôlement discret de la peau contre mes doigts, que ma mémoire se mit en marche. Je la reconnaissais immédiatement… elle avait imperceptiblement glissée le long du tube d’acier, pour se poser délicatement au contact de ma main.
Maintenant, je suis là, le souffle coupé et n’osant plus bouger.
Je pourrais me retirer, mais cette main inconnue m’est agréable. La pression de ce petit doigt sur mon pouce est douce et l’immobilité est rassurante.
Je laisse mon esprit prendre congé, comme la veille, toute absorbée à ressentir sans réfléchir.
Soudain, un arrêt un peu brutal, projette les voyageurs vers l’avant. Et je sens le corps qui prolonge cette main, se presser longuement le long du mien, m’imbriquant contre la barre de métal… Comme au ralenti, cette minute dure, dure.
Puis, imperceptible, j’entends dans un souffle, à quelques centimètres de mon oreille, un doux : « Excusez-moi, mademoiselle… »
Je tourne lentement la tête et mes yeux s’emplissent de l’image d’un sourire large, aux lèvres charnues et à la dentition très blanche.
Tout bascule en une seconde.
Je ferme les paupières et ce battement de cils suffit.
Je sens se déposer avec douceur les lèvres de ce sourire sur les miennes.
Je ne bouge plus, ne respire plus.
Alors, une langue douce et chaude vient délicatement goûter ma bouche… Elle pénètre d’abord lentement, puis de plus en plus vivement entre mes dents que je ne peux m’empêcher d’entrouvrir…
L’odeur musquée de cet homme inconnu emplie mes narines.
Les yeux toujours clos afin de concentrer mes sensations, je goûte à mon tour de plus en plus activement cette bouche nouvelle.
Je laisse mes impressions prendre le dessus sur ma raison et j’oublie soudain les lieux et la situation insensée, pour profiter pleinement de l’instant.
Lorsque le bus s’arrête, mes jambes sont en coton, mon cerveau n’est plus aux commandes et le temps qui m’est nécessaire pour me retourner permet à mon inconnu de disparaître sans me laisser le loisir de le voir.
Je rentre à l’hôtel, emplie de confusions… je suis tout à la fois comme sur un nuage et honteuse.
Le plaisir éprouvé pendant ces quelques minutes, m’émoustille et me fait rougir.
Ce baiser était bon, très bon même… Mais comment ais-je pu me laisser aller à embrasser un homme dont je n’ai même pas vu le visage… dont je ne sais rien… et dans un endroit public, rempli de gens ?
Ces pensées m’obsèdent…
Je n’ai pas bien dormie, toute à ma honte, n’osant me faire plaisir en revivant la chaleur de ces lèvres sur les miennes…
Aussi, ce soir en montant dans le bus, ma décision est –elle ferme : je vais me mettre de l’autre côté, afin de rencontrer ce monsieur, à qui j’ai offert un si long baiser.
~
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