Lyzis et son L

La douleur aigüe qui irradie ses bras, la sort peu à peu du sommeil.

La cambrure excessive de ses reins, provoque une lancinante pesanteur.

S’endormir au bureau n’est jamais confortable… mais s’y réveiller est pire encore.

 

Elle recule le levé de paupières, en se concentrant sur ses endolorissements… Ressentir son corps avant de le mouvoir est comme une promesse de bien être.

Elle tente de plonger en elle-même, pour se projeter le plaisir du délié de muscle, de la contraction volontaire.

 

Elle  se décide enfin, à ouvrir les yeux avant de bouger. Le spectacle arrondit ses lèvres autant que ses pupilles, en une exclamation muette.

Elle reste paralysée dans son incompréhension.  En lieu et place de la dure planche de son bureau, ses bras et sa tête, reposent sur un tronc majestueux à l’écorce rugueuse.

 

Rejetant soudain sa chevelure en arrière, elle écarquille son regard, qui se perd aussitôt dans la pénombre d’un étrange sous bois.

Des feuilles en camaïeux de verts, semblent flotter, papillons de plumes recouvrant le sol.

De lourdes colonnes de troncs vivants, ferment son espace en une cage-clairière.

Une odeur de champignon et de terre humide assaille ses narines, tandis que le silence emplit l’air de bruissements de vent, claquements de branches et froissements de feuilles sèches.

 

L’instinct la pousse à se redresser. Mais elle a juste le temps de sentir la ouate du tapis de feuilles s’enfoncer sous ses plantes de pieds, que ses bras lui sont arrachés vers le ciel.

Elle est en semi-suspension… ses poignets, prisonniers de lianes mouvantes, loin au dessus de sa tête… ses jambes molles, cherchant un appui pour soulager ses épaules.

Elle n’a pas le temps de baisser son regard, que le glissement sur ses chevilles, se meut en une pression qui lui écartèle inexorablement les cuisses.

 

Crucifiée solitaire en perdition, son esprit ne parvient pas à accepter de réaliser. Elle se laisse alanguir et plonge en elle pour se rassembler et redéfinir ses sens.

La peur n’est pas encore présente. Son cerveau ne l’a pas conviée au banquet… mais elle rôde… prête à enflammer son sang.

 

Son cœur, soudain, s’arrête sous ses paupières closes. Quelque chose d’autre que le vent, lui a frôlé la joue.

Elle ouvre son regard sur l’extérieur. Mais seul un imperceptible mouvement circulaire des feuilles automnales jonchant le sol, laisse pressentir une présence.

Elle croit sentir la chaleur, l’aura, d’un être sans image, d’êtres sans images, qui tournent autour de son corps.

Son imagination galope et matérialise les grands fauves, les prédateurs qui resserrent le cercle autour d’elle…

La peur cette fois s’ancre en elle, tire sur ses liens, déborde en cris non retenus.

 

Le bruit de déchirure qu’émet son chemisier, soudain lacéré, stop net son expression sonore…

Elle se fige, contracte sa peur au creux de ses muscles tendus.

Sa jupe n’étant plus, elle peut sentir la caresse obsédante de l’air sur sa peau humide.

Des griffes aigües, commencent un ballet frénétique, finissant de la dénuder
et rayant au carmin, l’albâtre de son teint.

Une douce chaleur épouse enfin son ventre et apaise longuement l’agitation vive.

Elle laisse le calme engourdir son cœur et reposer son souffle.

 

Une nouvelle chaleur, cuisante cette fois-ci, lui fait bander les reins. Mais à la place de la peur, c’est une agréable tension qui irradie son centre.

Elle s’abandonne aux frappés de ses rondeurs, confiant son corps aux liens qui l’offrent.

Son esprit se dilue en arabesques lumineuses, au rythme de la capitulation de ses résistances.

Chaque coup porté, propage plus profondément, la houle de désir qui brûle son cerveau.

 

Arrêt blanc infini… suspendue dans l’attente… elle ne peut retenir les sanglots…

« Encore ! » veut-elle crier, mais son corps seul sait demander.

Elle s’agite, cherche. Elle tend et détend sa croupe, ses seins, son sexe ardent.

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Un souffle au relent de souffre, sur sa nuque, tourne autour et lui fait relever le menton… haut… les yeux perdus dans la voute torturée.

 

 

Le courant brulant suit ses lignes, s’arrondit à ses courbes, se multiplie. Soufflant le feu devant derrière, en haut en bas, tout en même temps, elle s’éparpille  en fragments légers, sous les respirations qui la torturent.

Elle voit son corps en son entier, tout en étant centrée sur ses ronds et ses creux. Elle tourbillonne au gré des vents et perd ses repères avec volupté.

 

Cinglant retour qui se déchaîne et froisse et strie son moelleux.

Elle se débat crie et supplie.

La peur et la panique, en amies fidèles, injectent en elle la déraison et démultiplient les sensations.

Le bouillonnement des perceptions entraine la folie salvatrice… la déconnection du réel pour atteindre le délice.

 

Le feu brûle la surface et la langue qui s’enfonce en elle incendie l’intérieur. Son corps s’échappe hors d’elle-même et étouffe son cœur en un orgasme houleux.

 

Elle a perdue connaissance.

Ses bras qui la font maintenant souffrir, la ramènent de nouveau au réveil. Elle ressent son corps meurtri et apaisé. Elle sent aussi l’humidité au creux de ses cuisses serrées et couvertes.

Sous ses doigts qu’elle déplie, elle ne reconnait pas la rudesse du tronc ni la légèreté des feuilles.

Elle redresse la tête et tombe dans des yeux clairs, mélange d’interrogation et de lubricité.

 

Son collègue lui sourit d’un air entendu.

-        C’était éprouvant ? 

En même temps, tu as eu l’air d’apprécier… tu me raconteras ?

 

Dim 16 mar 2008 Aucun commentaire